Le guide (pour auteurs) l’AUDACE
répertorie et présente de façon détaillée 677 éditeurs de romans, 521 de
poésie, 469 de contes et nouvelles, 223 de théâtre, 671 d’essais littéraires ou
de sciences humaines, 251 d’histoire, 375 de jeunesse, 94 de religion, 233 de
biographies ou mémoires, 109 de bandes dessinées. Et pourtant, j’ai choisi
l’auto-édition ! À vrai dire, je n’y suis pas venu directement. Il y a eu
un échec en 2012 sur un tout autre projet, après des mois et des mois d’un
démarchage épuisant sur le plan psychologique. A quoi il convient d'ajouter tout ce que
j’ai pu lire sur l’édition, notamment dans cette revue qui est remise à jour
tous les cinq ou sept ans à ce que j’ai cru comprendre.
Trois (au moins) barrières redoutables se
présentent à l’auteur qui n’a pas encore été publié et qui se tourne vers les
maisons d’édition. La première est le nombre très considérable de manuscrits
qu’elles reçoivent. On ne peut raisonnablement pas leur reprocher de ne pas les
éplucher tous de façon consciencieuse, et il faut même se résigner au risque
votre envoi ne soit pas ouvert, et directement envoyé au pilon. Après tout, l’éditeur ne vous a rien demandé. La
seconde est la politique des « auteurs maison », qui sont chez
certains éditeurs systématiquement privilégiés par rapport aux petits nouveaux
qui toquent pourtant à la porte avec le manuscrit du siècle. La troisième est
celle qui consiste à faire passer devant tous ceux qui font la queue les
notoriétés – journalistes, people et autres. C’est contestable, c’est très agaçant, mais on a parfois de bonnes surprises, c’est dur d’en convenir et
pourtant c’est comme ça, il y a aussi du talent chez eux. La quatrième (j’avais
dit trois au moins) est la
mystérieuse ligne éditoriale, qui motive bien souvent les refus, quand on a la
chance d’en recevoir. Bien sûr, mieux vaut éviter d’expédier un roman de montagne
à un éditeur spécialisé dans les polars gore, mais parfois c’est beaucoup plus
subtil que ça, si subtil que les sites des éditeurs recommandent la lecture de
leur production pour bien comprendre… à vos cartes bancaires !
Résumé : les maisons d’édition sont devenues des entreprises
d’aujourd’hui, et ont très bien intégré deux fondamentaux de l’économie
capitaliste : le premier est que l'on ne réalise pas de bénéfices sans prise
de risque, le second est de faire reposer ce risque sur les épaules d'autrui. En clair, à vous de
jouer : si votre bouquin fonctionne du feu de dieu, les éditeurs ne manqueront pas de voler
à son secours…
Peu
disposé à envoyer à prix d’or (un envoi coûte en moyenne 15 € pour un livre
de 250 pages) des manuscrits par vagues de 7 tous les trois mois pendant deux
ans (hé oui on dépasse les 1000 €) ; n’étant l’auteur d’aucune maison
d’édition, n'ayant qu'une notoriété d’un rayon de deux kilomètres et demi, et enfin, ne disposant pour tout « piston » qu’une
voisine amie avec une libraire dont le patron connaît un
commercial de chez Gallimard, je me suis donc naturellement orienté vers
l’autoédition.
Enfin, pas tout de suite, mais presque. J’ai
quand même expédié la version bêta de La
dernière voie de Nimbus à un éditeur, un seul. Pendant que je peaufinais
la version finale, j’ai pris le temps, trois semaines après mon envoi, de
demander par mail si le manuscrit était bien arrivé, et je n’ai eu aucune
réponse. Et j’ai pris ma
décision : auto-édition. Non : un petit flottement avant. Car comme un front, une marée,
étaient apparues sur l’écran de mon PC une infinité de propositions de maisons
d’édition qui ne demandaient qu’à me publier : Vérone, Baudelaire,
Edilivre et tutti quanti. Oui, et sans aucuns frais assurent-elles,
sinon l’aide à l’écriture, la correction orthographique, la mise en page,
la réalisation de la couverture, la finalisation, l’écriture du résumé, les
packs de distribution, la promotion et les commentaires laudatifs sur le site
de la FNAC qui sont payants, une bagatelle, quelques milliers d’euros pour
celui qui prend tout, mais quand on veut se faire publier on ne compte pas !
Et j’ai eu une valse-hésitation : pourquoi pas cette solution, plutôt que
le risque de l’autoédition ? Et je me suis répondu, après de longs
entretiens avec des amis : parce qu’auto-édité tu es propriétaire des
droits d’exploitation, tu restes maître à bord.
Il a fallu choisir l’imprimeur, venus tout aussi spontanément se présenter : BoD, Bookelis, Publishroom, Lulu, pendant que je regardais un reportage sur YouTube, à
gauche de l’écran, en haut, parfois devant, comme le sparadrap du capitaine Haddock,
réapparaissant ici dès que chassés de là. Mauvais commentaires Internet sur BoD,
mauvaise expérience d’une connaissance sur Publishroom, le site Lulu tantôt en
anglais, tantôt en français : j’ai choisi Bookelis, et aujourd’hui, à cette
heure (20 : 18), j’en suis très content. Et pourtant !!!
Et pourtant, bon sang, qu’est-ce que j’en
ai bavé ! J’aurais dû me méfier de leur site Internet : il est
beaucoup trop bien, bourré d’excellents conseils, riche en avertissements, le
meilleur, le plus complet que j’ai vu, et de loin. Ce que je n’ai pas compris
en le découvrant, c’est que tout allait se faire par Internet. Il y a bien un
service téléphonique et les gens sont très disponibles pour donner des
explications, mais tout, absolument tout, doit passer par la maudite invention d’Alan Turing, j’ai cité l’ordinateur ! La moindre
virgule à changer de place, le profil ICC du papier (là, je suis sûr que je
vous en bouche un coin, bande d’amateurs) et le Grand Zebu qui vous permettra
de convertir le code EAN 13 (Ah Ah ! Non, je n’ai rien pris ce soir).
Pas question de discuter autour d’un café en comparant différentes épreuves de
la couverture avec l’imprimeur dont le petit dernier a 20 de moyenne en maths
et court le 100 m en 11 secondes. En lisant le site, quand même, je perds
vite l’envie de rigoler de l’aide à l’écriture, de la correction
orthographique, de la mise en page et la réalisation de la couverture, de la
finalisation, de l’écriture du résumé, des packs de distribution, de la
promotion et des commentaires laudatifs sur le site de la FNAC. Ce n’est pas ce
que je croyais. Éditeur, c’est un métier ; vendre ce qu’on publie aussi.
L’autoédition a mauvaise presse. Ça sent l’auteur refusé, le manuscrit
médiocre, le travail bâclé avec les cédilles qui manquent, les œufs qui ne sont
pas dans l’eau et une intrigue mal fagotée dont les rebondissements couinent comme un vieux sommier d'hôtel de passe. C’est parfois injuste, mais malheureusement
c’est souvent ça, il faut le reconnaître – regardez les livres des autres par
exemple. Je suis ce conseil : dans la librairie de Bookelis, je consulte
des ouvrages qui ont été publiés vraisemblablement sans passer par ces
services, et ça me fait bigrement réfléchir : ce que je découvre chez
certains d’entre eux, est-ce que ce n’est pas mon livre demain ? Mais je
n’ai qu’un tout petit budget, pas question de mettre l’héritage de mes enfants
dans cette aventure, ils brûleraient mes invendus à ma mort.
Brain-trust. L’aide à l’écriture et les
conseils littéraires, je prends le risque de m’en passer : un livre écrit
avec autant de cœur que le mien ne peut pas être plus mauvais que le second, le
troisième et le quatrième de ***** (censure déontologique) pourtant publiés
chez Grasset. Pour l’orthographe, je m’en remets aux correcteurs de Word et
d’Antidote (très bien fait, je recommande) et à l’aide en ligne du Projet
Voltaire (ne surtout pas confondre avec le réseau Voltaire) :
Pour savoir si
« tout » prend un « E. » devant un adjectif féminin
commençant par « h », il faut déterminer si le « h » est
aspiré. Un « h » est dit aspiré quand il ne supporte ni liaison ni
élision : on ne dit pas « l’honte » mais « la honte ».
Ensuite, il faut appliquer la règle suivante : « tout » placé
devant un adjectif féminin commençant par un « h » aspiré prend un
« E. ». Sinon, il reste invariable.
Elle est toute honteuse, mais : Elle
se sent tout humiliée.
(Hum. Quelle ligne éditoriale pour le projet
Voltaire ?) Quant à la mise en page, m’assure avec
optimisme une amie, elle fait partie des difficultés dont tu viendras à bout
par toi-même. Voilà déjà 1800 € d’économisés ! Pour la réalisation de
la couverture, j’ai quand même recours à une graphiste, nantaise — la proximité
permet d’échanger, d’affiner le projet et de prendre un ballon de Gigondas.
Pour la diffusion, je vais recourir aux packs proposés par Bookelis qui sont vraiment
intéressants. Quant à la stratégie de communication complète, aux commentaires à
145 € sur Fnac.com et à l’interview filmée, j’y renonce, je me bagarrerai par mes propres moyens : hop ! 1650 €
d’économisés. Enfin je suis bien incapable de créer un site Internet, mais un
blog, ça devrait être à ma portée.
Et moi, moi qui ne me suis jamais servi d’un
ordinateur que pour écrire un roman, expédier des mails ou programmer la
décomposition d’un signal périodique en série de Fourier, je regarde avec défi mon
PC droit dans sa webcam et lui déclare : c’est parti !
Je
vous fais grâce du domptage de logiciels (paintnet et blogger) aux
redimensionnements ésotériques, du délicat maniement des styles sur Word. Le 15
mars, tout est prêt, il n’y a plus qu’à lancer le projet dans les tuyaux de bookelis,
pour une publication à la mi-avril : une semaine pour recevoir une épreuve
et la valider, deux semaines pour le référencement sur les sites de
distribution et l’impression de la première commande, plus les inévitables
retards égale un mois. Si vous vous apprêtez à suivre ma trace, sachez-le, ce
calcul est irrémédiablement faux, et encordez-vous, car vous allez tomber de
haut ! Rien ne va se passer comme ça, et vous allez le découvrir en
cheminant dans les 5 épisodes qui ouvrent à la publication de votre chef
d’œuvre : vous découvrez les problèmes au fur et à mesure que vous en
franchissez les étapes. Je passe sur les problèmes strictement techniques et
les trois semaines de délai de rigueur imposées par l’administration avant de
délivrer l’indispensable numéro ISBN pour le ebook. Je passe également sur les
questions formulées dans une langue dont je comprends tous les mots, mais pas
la logique et auxquelles je réponds la peur au ventre, car je n’ai pas trouvé le
moyen de revenir sur un choix une fois passé à l’étape suivante : je suis (verbe
suivre, merci) une voie à sens unique. Heureusement, il y a le téléphone.
J’appelle ? Encore une fois ? Non. Si. L’employée chargée du service
avant-vente doit certainement pratiquer le Taï Chi, être abonnée à Psychologie
Magazine et avoir remplacé le café par du yoga tea, car elle ne se départit
jamais de son calme et sait garder le sourire (c’est mon septième sens, je ne
regarde jamais dans le trou du micro, je n’ai pas été élevé comme ça). La
principale difficulté aura été la fixation du prix public du livre.
Bookelis, pourtant très disert sur tous les sujets, se contente ici de
conseiller de majorer le prix de production de 2 ou 3 €. Je fais mes
petits calculs : ça ne laisse aucune marge aux libraires, ce n’est pas
possible. Que prennent les intermédiaires qui se chargent de la diffusion comme
Hachette ? J’essaie de me renseigner, c’est le seul domaine où les
conseillers de Bookelis refuseront de me donner une réponse claire, ou plutôt
ils me répondront que je n’ai pas besoin de ce renseignement. Ah bon. Sur
Internet, je n’en saurais pas davantage, on est bien en France, l’argent reste
un sujet tabou. Je vais discuter avec les libraires de Nantes, et me fais ma
religion : si je veux que mon livre soit sur les rayons de telle sorte que
le libraire gagne correctement sa vie, il faut au moins le vendre 12 €. C’est
plus que ce que je souhaitais. Je regarde dans la librairie de Bookelis, et je
constate par a + b que d’autres que moi ont certainement fait leurs petits calculs et majoré
les prix conseillés. Mes royalties seront congrues aux ventes sur Internet,
voilà tout, mais rappelez-vous que la librairie indépendante doit vivre, et que
ça, ça n’a pas de prix !
Il me faut donc quinze jours pour franchir
les 5 étapes, et le 3 avril, c’est bouclé, envoi ! J’attends fébrilement
l’impression de la première épreuve : désastre ! Il manque les
numéros de pages ! Pour une raison qui n’appartient qu’aux dieux des
logiciels, PDF les a oubliés (à moins que j’aie mal manœuvré, mmmmhhh, ça doit
être plutôt ça, j’en conviens). Rebelote, des petits problèmes, encore quinze
jours de perdus, mais je découvre des professionnels à mon écoute, soucieux de
me satisfaire, et très réglo sur les prix affichés. Quelle joie de recevoir la
bonne version ! Allez, je passe commande de 200 exemplaires et je valide. Ça
ne paraît pas beaucoup emballer Bookelis, qui reste de marbre et ne me propose
nullement le passage à la caisse. Comment ? semble-t-il insinuer : comment ? Tout ça pour ça ? Ben, dans un premier
temps… et puis il est indiqué que la commande minimale est de 1 livre, alors… Je
reclique : le panier double de volume, et pas moyen de revenir en arrière.
Ah, en cliquant là peut-être ? Non, en cliquant là le panier passe à 600
livres. Les cheveux collés par la sueur – syndrome du terrible sens unique — je
bataille une demi-heure avant de constater que tout a été remis à zéro sans que
je ne m’en aperçoive, et que je trouve le moyen de payer. Aucune importance, vive
Bookelis, la commande part pour une parution autour du 20 mai !
Après, il restera le plus dur : faire
connaître de La dernière voie Nimbus.
Et ça, ce sera encore une autre histoire…
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