jeudi 22 juin 2017

Méditation sur quelques valeurs au refuge Packe



     Après une semaine de démarchage, voici venu le moment d’aller passer une nuit seul au refuge Packe. Un site perdu en pleine montagne, d’où la vue embrasse le Vignemale, le Cirque de Gavarnie du Taillon jusqu’au Mont Perdu, ainsi que l’austère Pic Long et ses satellites. Après mon ascension du Turon, les conditions semblent réunies : la montagne s’est vidée de ses randonneurs. 


    J’ai grand besoin d’un moment de paix, de revenir sur tout ce qui m’agite depuis la parution de La dernière voie de Nimbus, sur toutes ces riches rencontres que m’a occasionné ce voyage à travers les vallées en passant par quelques refuges et un sommet. Voilà mon livre sur les étals des librairies. Et après ? C’est Régis, le gardien du refuge du Portillon qui le premier m’a posé la question : quels projets ? Philippe, mon lecteur croisé au refuge de la Glère est revenu quelques jours plus tard à la charge. Et pourquoi écrirais-je autre chose après tout ? Certains auteurs ne commettent qu’un livre, d’autres à l’infini le même - sous des oripeaux différents. Peu parviennent à être réellement prolifiques sans que le talent ne se démente d’une œuvre à l’autre. Pourtant, je sais que je prendrai le risque de continuer à écrire. J’aime travailler la langue, qu’elle se fasse précise, partager par son truchement convictions, sentiments et émerveillements - émerveillements surtout, donner à voir la beauté du monde et de l’homme. 
 


      Pourquoi cette bataille pour faire connaître au plus grand nombre ce roman ? Je ne prétends pas échapper aux forces de l’ego et au besoin de reconnaissance, même si je rêverais de jeter ce roman dans la montagne comme une bouteille à la mer, anonyme et mystérieux. J'en recueillerais la rumeur, pour peu qu’elle se forme et vienne battre jusqu’à moi comme une houle ou un clapot, et cela me suffirait amplement : je saurais bien me garder d’en dévoiler l’auteur. Mais il y a d’autres raisons : La dernière voie de Nimbus est à sa façon un livre engagé. 
        Dans un des Offices de Tourisme où je suis passé laisser des flyers et des affiches, une jeune réceptionniste m’a fait observer que les présentoirs étaient réservés aux partenaires : hôteliers, centres d’attractions, musées, etc…D’un ton plus vif que je ne l’aurais voulu - eût égard à son âge, je lui ai vertement répliqué que mon roman était partenaire des Pyrénées, et qu’il méritait une place bien en vue dans son Office. 
    Il se publie trop peu de livres ayant pour cadre la nature, au moins en France. Et la haute montagne est de moins en moins fréquentée, les gardiens de refuge comme les guides en attestent. La dernière voie de Nimbus va complètement à l’opposé de cette tendance, et proclame haut et fort qu’il y a des espaces naturels magnifiques dans notre pays. Montrer cette nature, la faire aimer, c’est la défendre contre les prédateurs de l’or blanc et les promoteurs d’axes routiers improbables. Rappeler que cette nature est gratuite, donnée à chacun selon ses moyens, qu’il y a des espaces de liberté où il est encore permis de jouer quelque chose de soi, d’exister ; c’est démontrer qu’il y a d’autres chemins que les Center Park et leurs cousins qui se développent dans la plaine et même dans les vallées ; c’est donner à voir une vie plus authentique que les attractions marchandes sécurisées et infantilisantes. Promouvoir les valeurs que la montagne dispense : le goût de l’effort, la solidarité, la responsabilité, la mesure de soi, le respect de la nature ; éveiller à la beauté gratuite du monde ; c’est permettre à chacun de s’éveiller à soi-même et de se verticaliser dans un monde de moins en moins spirituel. Mes personnages principaux, Vanille et Cirrus, portent tous deux des valeurs fortes : la droiture, la capacité à s’indigner et celle de revenir sur ses erreurs ; et cette faculté de s’émerveiller qui est pour moi à la racine de la curiosité intellectuelle et du respect pour autrui comme pour la nature.  Tout ce qui est en train de se perdre dans une société de plus en plus vénale et horizontalisée par la recherche du profit à court terme. 


mercredi 21 juin 2017

Nimbus en librairie et ... en refuge !



      Et voilà ! Au terme d’une brève campagne incluant un salon du livre, La dernière voie de Nimbus est en vente, un mois après sa parution, dans cinq librairies et deux refuges des Pyrénées ! Le refuge des Oulettes de Gaube au pied du Vignemale, site magique s’il en eston refuge,  :longuement échangé sur la guerre. rre en Ukraine, e à Bagnères de Bigorre à la haute érudition ;;; ; Cauterets ; Gavarnie - face au Cirque ; Argelès Gazost et Bagnères de Bigorre, deux librairies spécialisées dans le Pyrénéisme ; Arreau – dont le libraire est professionnel de la montagne ; le refuge du Portillon dans le Luchonnais, où Cirrus et Nimbus ne manqueront pas de trouver leur place dans ce coin à plus de quatre heures de marche de la première route, au paysage de monde perdu. 


 Il m’a manqué de livres pour poursuivre plus à l’est, en Haute Garonne et en Ariège, et je suis en attente de réponses de libraires dans ces départements. Une bonne raison de revenir ! Merci aux gardiens de refuge et aux libraires qui ont accepté de recevoir les aventures de Cirrus et de Vanille. Merci aussi à tous pour ces moments d’échange très riches, et pas seulement sur le plan intellectuel. Dans une montagne quasi déserte j’ai pu faire des rencontres inattendues. Urki, un basque de Saint Sébastien sévèrement en proie au mal des montagnes, que j’ai pu soulager et qui a partagé avec moi un bocadillo de tortilla de patata à tomber par terre. Philippe, à qui j’ai vendu mon roman à Oloron, et que j’ai retrouvé par le plus pur des hasards au refuge de la Glère après qu’il l’a lu, et ça été une grande joie (et un soulagement aussi : car il a grimpé la voie Ravier au Tozal !). Une jeune anthropologue des costumes, venue inopinément en consultation bibliographique chez Marc Besson, libraire à Bagnères de Bigorre à la haute érudition. Un cairn, tête ronde sur un obélisque de granit, planté au beau milieu d’un névé, qui méditait sur l’impermanence de ce monde. 


Une allemande vivant en Suisse qui a fait son Erasmus à Nantes dans mon IUT, et qui fait le GR10 toute seule. Michel Messahel, fils de harki, qui écrit sur son père et avec lequel nous avons longuement échangé sur la guerre et les mathématiques. Un dîner avec un colonel unijambiste qui a fait son premier saut en parachute à Diên Biên Phu (1954… !) et qui m’a offert une galette au miel. Christiane Laborde et Michèle Wauquier, qui collaborent à faire des livres pour enfants. Une tisane partagée avec Régis, le gardien refuge du Portillon, ainsi qu’une passionnante discussion sur la littérature de montagne : les récits, les romans, les motivations qui habitent les personnages. 
  Ah oui ! Et un sorcier philippin, à 2504 m d'altitude, avec qui j'ai eu une discussion très productive !

  Mais ça, dirait Kipling, c’est une autre histoire …